INTERVIEW


LA MORSURE DES DIEUX

 

La Morsure des Dieux aborde la question du suicide en milieu paysan, comme est née ta volonté d’en faire un film ?

Le frère de mon grand-père s’est suicidé il y a 18 ans de ça. Les années passant, j’ai vu que la question du suicide touchait de plus en plus de famille dans les campagnes. Il y a environ 500 suicides recensés par an. Peu de films abordent cette question, j’ai eu envie d’écrire sur ce sujet.

 

Le film parle aussi du paganisme, c’est un sujet auquel tu faisais déjà allusion dans La Chute des Hommes...

J’ai découvert le paganisme il y a 3 ans, avant je ne connaissais uniquement que le mot « païen » et il avait une mauvaise connotation. Puis un jour, un homme m’a parlé des solstices qu’il fêtait, de son rapport au monde, à la nature, des dieux qu’ils invoquaient, j’ai trouvé cela magnifique. J’ai creusé un peu le sujet, j’ai rencontré des gens proches de la nature, et j’ai été émerveillée de leur rapport au monde. Une sorte d’attitude écologiste, avec une dimension sacrée, ça m’a profondément touché.

Puis j’ai lu des livres de Henri Vincenot et de Jean Giono, entre autres. Et j’ai compris que le paganisme était vraiment l’identité des campagnes, avant l’arrivée du christianisme. C’est là que le concept du film est né en moi, en même temps je voulais aussi parler du suicide en milieu paysan, alors j’ai joint les deux sujets, car ils me semblent être complémentaires finalement, et j’ai écris La Morsure des Dieux

 

Le film parle beaucoup aussi de l’enracinement et l’identité, tout comme Patries ou La Fille publique

Eh bien, je crois que le fait qu’une fille, issue de la DASS et pupille de l’Etat pendant 19 ans, avec des racines très confuses, puisse s’intéresser à l’enracinement et à l’identité, ne me semble pas très étonnant. Les gens qui sont enracinés ne se posent pas ces questions. Ils jouent avec ce qu’ils ont de précieux, c’est lorsqu’ils auront perdu leurs racines dans un monde uniformisé, qu’ils en mesureront toute la valeur.

 

On retrouve François Pouron avec qui tu avais déjà travaillé dans La Chute des Hommes, cette fois dans le rôle d’un éleveur en difficulté...

J’ai eu beaucoup de bonheur à retrouver François Pouron, c’est vraiment un comédien de très grand talent, capable de tout jouer. Et puis j’ai rencontré la merveilleuse Fleur Geffrier, une comédienne qui comptera pour le cinéma à l’avenir, j’en suis convaincue. J’ai découvert aussi un comédien des Landes, Pierre Molinet, ça a été un bonheur de le mettre en scène, il était une source de joie sur le plateau.

 

Il y a dans le film de véritables éleveurs basques, comment s’est passé votre collaboration ?

Oui, j’ai travaillé sur place avec beaucoup d’éleveurs du Pays basque, mais aussi avec des hommes qui pratiquent les épreuves de « force basque », jeu traditionnel du Pays basque. Avant mon tournage, on m’avait mis en garde sur le côté soi-disant fermé des Basques, Eh bien, j’ai découvert un peuple qui est le contraire de cette supposée fermeture. Ils ont été d’une incroyable générosité. Pour eux, le cinéma était une expérience nouvelle, de plus, ils avaient confiance dans ce que je voulais montrer, alors ils ont accepté d’être filmés dans leur propre rôle. Ces personnes vivent la réalité des difficultés du monde paysan.

 

J’ai lu quelque part que tu souhaites arrêter de faire des films en étant ta propre productrice ?

Ce film est le dernier que je pouvais faire seule. Je suis arrivée au bout de mon chemin solitaire. Je viens de terminer l’écriture d’un film qui parle de l’errance d’un jeune garçon de banlieue, dont le chemin croise un jour celui d’un vieux légionnaire, entre les deux hommes, une amitié va naitre. C’est un film qui parlera de transmission.

Je crois qu’il est temps pour moi de travailler, en confiance, avec un producteur. Alors actuellement, je cherche quelqu’un qui serait sensible à mon univers et qui accepterait de m’accompagner dans un nouveau film.