INTERVIEW


LE CORPS SAUVAGE

Note d’Intention

 

J’ai toujours été attirée par les milieux faisant partie du patrimoine, de la culture et de l’histoire française : deux de mes précédents projets traitaient du corps militaire, un autre film de l’agriculture traditionnelle, plusieurs de mes films ont évoqué le corps religieux, et « Le corps sauvage » traite à présent de la chasse et de la nature via sa dimension sociale, culturelle et spirituelle.

 

Comme pour mes projets précédents, il s’agit à la fois de se passionner pour des thématiques et des univers plutôt rares au cinéma, et de mettre en valeur leur message : celui d’une quête de sens dans une société contemporaine ayant besoin de repères et de valeurs.

Avec le thème de la chasse traditionnelle, « Le corps sauvage » aspire en effet à questionner l’humain via sa relation avec la nature et à repenser la place du premier dans la seconde, à l’heure où l’urbanisation et l’industrialisation ont pu les séparer l’un de l’autre.

Les questions soulevées par le film – le rapport à l’environnement, à l’animal, et plus généralement les questions de la vie et de la mort – sont ainsi traitées via une culture et un art de vivre aussi spécifiques que riches en enseignements, et qu’il s’agit de sortir de l’isolement voire de l’oubli.

A travers le récit, je veux aussi bien montrer la philosophie et la dimension spirituelle de l’art de la chasse que sa dimension sociale : celle d’un village uni par ses traditions, où les notions d’égalité, de respect et de partage sont encore possibles, et dont les traditions et la culture offrent des clés pour repenser le vivant et le rapport au monde.

 

Le film s’axe principalement autour du personnage de Diane, lequel concentre tous ses questionnements et ses thématiques : un personnage à contre-courant qui cherche à revenir vers plus d’authenticité et de valeurs, et qui se reconnecte aussi bien à la nature qu’à une part d’elle-même, perdue depuis l’enfance.

Un personnage d’aujourd’hui qui s’inspire en partie d’une autre Diane : Diane la chasseresse, déesse de la mythologie grecque dont les légendes concernent aussi les questions de communion avec la nature, de naissance et de mort, et du retrait d’une société elle-même coupée de l’environnement.

L’autre personnage principal de ‘nemrod’ – c’est-à-dire de chasseur passionné – est le grand-père de Diane, qui vit et meurt par et pour la chasse. Avec ce personnage, le film raconte aussi bien l’histoire d’une famille que l’histoire d’un deuil à venir, et la façon dont celui-ci est géré via l’amour commun entre le grand-père et sa petite-fille pour la nature et les traditions liées à la chasse.

 

S’il faut ajouter un troisième personnage principal, il s’agit de la nature elle-même. « Le corps sauvage » aura lieu en Bretagne, notamment dans la forêt de Brocéliande, choisie aussi bien pour la beauté de ses décors naturels que pour sa dimension mythique ; une dimension que je souhaite rendre palpable via la réalisation et son attachement à filmer l’environnement.

 

Grâce à ce choix de décor, le film pourra aussi s’attacher à montrer les chasseurs d’aujourd’hui : des chasseurs bretons qui tirent eux aussi à l’arc, et qui joueront leur propre rôle dans un souci d’authenticité. Le tout dans une mise en scène que je souhaite épurée, sans musique additionnelle et avec un montage discret qui privilégie l’instant : je souhaite filmer mes acteurs et mes décors en prenant le temps de l’observation et de l’introspection, afin qu’on soit au plus près des personnages et de leurs émotions.

 

Cheyenne Carron